Pauline Clochec Militante feministe, lesbienne, trans, docteure en philosophie et ATER a l’ENS de Lyon

DU CISSEXISME COMME SYSTEME

Cet article est issu d’une communication donnee au cadre de l’atelier « Reflexions sur le cissexisme et Notre transphobie», organise a l’ENS de Lyon via les associations feministes et LGBTI « Les salopettes » et « ArcENSiel », le 15 fevrier 2018. Cela s’adresse d’abord prioritairement a toutes les individus trans, dans la mesure ou l’identification et la connaissance critique de votre qu’est la transphobie me semblent indispensables a deux egards : psychologique et politique. Psychologiquement, la connaissance des mecanismes souvent insidieux en transphobie offre la possibilite de ne point interioriser ceux-ci, et donc de se vivre comme etant reellement, pleinement et legitimement de notre sexe. Politiquement, une telle connaissance peut nous aider a savoir qui paraissent les ennemis, qui seront les vrai.e.s ou nos faux/sses allie.e.s, quelles doivent etre les cibles de des luttes. Mes luttes trans sont en effet traversees de contradictions ainsi que polemiques induisant l’adoption de conduites et tactiques divergentes vis-a-vis de nos interlocuteurs/trices et adversaires, et dont je vais apporter trois exemples. Premier modi?le : faut-il collaborer avec la SoFECT[1], tel claque principalement, a Lyon, l’association le Jardin des T, ou s’opposer a i§a, comme le font – a mon sens a juste-titre – J’ai majorite des associations trans, comme Chrysalide, i  chaque fois pour rester via le terrain lyonnais ? Second exemple : nous faut-il revendiquer seulement une simplification des demarches de changement d’etat civil, donc en restant dans le cadre de la legislation francaise concernant l’etat civil, comme l’a fait l’association ACTHE[2], ou au contraire revendiquer une dejudiciarisation complete du changement d’etat civil rompant avec le principe d’indisponibilite de l’etat civil, comme continue a le Realiser l’ANT[3], parmi d’autres associations. Enfin, troisieme modi?le : quel rapport devons-nous avoir a la police, ainsi, a l’association LGBT de celle-ci, Flag : un ratio de dialogue comme l’a soutenu notamment l’ANT, ou au contraire d’exclusion comme l’a soutenu – bien une fois a mon avis a juste titre – le collectif Existrans lors de l’organisation de la marche de 2017. L’identification et la connaissance d’une transphobie est donc constitutive de la determination de cibles ainsi que strategies au sein des mouvements trans, pluralite de strategies que l’on est en mesure de sans-doute en part resumer avec une opposition entre reformistes et des revolutionnaires.

Derniere exactitude, avant de poursuivre mon propos.

Personnellement, parmi la multiplicite de realites subsumees sous le terme parapluie « trans », je traite principalement de ce que je connais en tant que concernee, a savoir du cissexisme visant les gens dites transsexuelles, ou « transsexuees » concernant reprendre le terme, plus heureux et moins historiquement polemique, utilise par Laurence Herault[4], et non pas des personnes qui, parmi les non-binaires, agenres, bigenres, etc. n’effectuent jamais une transition physique. Je traite donc des oppressions specifiques que rencontrent les individus qui, tel on chatib le dit encore souvent, « changent de sexe[5] », ou, Afin de l’exprimer plus exactement realisent physiquement le sexe qui est le leur. Ce parti pris ne releve jamais d’un jugement de valeur « truescum » d’apri?s lequel seul.e.s nos transsexuelles seraient des « vrai.e.s trans » ! Une telle restriction du propos repond juste au fait que, premierement, je parle de votre que je connais le mieux et en premiere personne, et que, deuxiemement, j’estime que les revendications specifiques a toutes les gens transsexuees, principalement en termes de libre acces aux traitements, ou de libre choix des medecins, ne doivent jamais etre noyees au sein d’ une vision queer se concentrant sur la seule « identite de genre » au detriment de revendications juridiques et medicales.

Transphobie ou cissexisme ?

Ces precisions liminaires etant faites, j’en viens a mon propos, a savoir l’analyse du cissexisme en tant que systeme. La majeure partie d’entre nous ont deja ete confronte.e.s a des slogans du type « A bas le cis-teme ! » ou « Fuck le cis-teme ! », soit a l’Existrans, soit dans des bandes dessinees de Sophie Labelle[6]. Ces slogans ne semblent jamais qu’un jeu de mot. Ils indiquent, ou du moins defendent la these, que la transphobie est 1 systeme, et en l’occurrence un systeme social. Dire que Notre transphobie est 1 systeme, c’est penser qu’elle n’est jamais juste ni d’abord un trait psychologique et individuel. A l’inverse, votre trait psychologique est determine par la transphobie comme realite collective et institutionnelle. Autrement, que des individus cis cherchent a soigner un transphobie en consultant un.e psy (si tant reste que celui/celle-ci ne soit gui?re transphobe !) ne fera en rien disparaitre la transphobie tel fera social global.

Notre transphobie fera systeme, premierement, en ce qu’elle traverse l’ensemble de la societe. Elle contient ainsi des composantes juridiques (l’indisponibilite de l’etat civil), medicales (la medicalisation et psychiatrisation de l’acces aux hormones et aux operations, le caractere arbitraire de l’attribution des Affectations Longue Duree permettant le remboursement des traitements, etc.), culturelles (la representation minorisante des personnes trans au cinema, Prenons un exemple, avec des films comme Notre pere Noel est une ordure ou, plus recemment, Si j’etais un homme ou bien Danish Girl[7]), ainsi, economiques (l’acces a l’emploi et a un logement, Prenons un exemple). Toutes ces composantes contribuent a une marginalisation et une stigmatisation des gens trans, ne serait-ce que au sein d’ leur life quotidienne. Ces composantes forment systeme dans la mesure ou elles se renforcent reciproquement : pourquoi pas l’acces a l’emploi reste rendu plus Complique lorsque vous ne disposez pas de papiers correspondant a qui vous etes et vous trouvez face a un.e employeur.e dont toute la representation des personnes trans provient des films cites plus haut. J’ai transphobie est systemique, deuxiemement, au sens ou elle reste institutionnalisee – que ces institutions soient formellement legales ou jamais (entre autres ma SoFECT est une institution medicale corporative[8] qui n’est gui?re reconnue via l’Etat comme comme exercant la prise en charge officielle et monopolistique des personnes trans, quoiqu’elle cherche a s’arroger ce role). Elle l’est a travers le droit et a travers la medecine principalement qui fonctionnement actuellement en depossedant des personnes trans d’la determination de leur sexe et de leur etat civil. Notre transphobie n’est donc jamais seulement un phenomene culturel qu’il s’agirait de modifier en « changeant les esprits » a coup d’emissions televisees, aussi bien intentionnees soient-elles. Cela s’agit d’abord d’un ensemble d’institutions objectives. Ca signifie, pour faire une rapide experience de pensee, qu’il ne suffirait jamais d’assassiner quelque dirigeant d’une SoFECT Afin de en finir avec la transphobie medicale. Cette transphobie depasse les seuls agents qui l’exercent, et ceux-ci sont largement interchangeables. C’est donc a l’existence meme d’une SoFECT qu’il s’agit de s’en prendre.